#WEF22 — La fuite en avant
#WEF22 — La fuite en avant

#WEF22 — La fuite en avant

Le #WEF22 a pris fin sous le signe de l’autocongratulation. Or, derrière ces apparences, plusieurs signes indiquent que son hubris est en berne. Davos va t-il jouer son va-tout ?

Davos Man de Peter S. Goodman, un avertissement ?

Dans notre synthèse de The Great Narrative (The Great Reset : Book 2), nous avons mentionné à plusieurs reprises un essai paru aux États-Unis mais passé totalement inaperçu en France : Davos Man. How the Billionaires Devoured the World, de Peter S. Goodman. Goodman est correspondant sur l’économie mondiale pour le New York Times, un journal loin d’être sulfureux ou opposé au monde de la finance et des ploutocrates. Pourtant, pour ce que nous avons pu en lire, Davos Man est, pour ce que nous en avons lu, une critique virulente des participants au World Economic Forum, déconnectés du monde réel et vivant dans une autre réalité, « le royaume de Davos Man ».

Goodman définit ce Davos Man, archétype davocrate, comme « un prédateur insolite dont le pouvoir provient en partie de sa vive aptitude à adopter le déguisement d’un allié », et le décrit précisément : un groupe de milliardaires qui s’affranchissent des règles qui s’appliquent au commun des mortels. Leurs activités sont décrites sans complaisance : main basse sur l’immobilier, achat d’actions et d’entreprises à prix cassé, pression en faveur de plans de sauvetage leur rapportant de l’argent, surf sur la pandémie au travers notamment de leur pillage des systèmes de santé public, évadés fiscaux…

Le livre de Goodman a bénéficié, outre le New York Times, de plusieurs relais : Financial Times, Washington Post, Swissinfo.ch. Tous ces retours ne sont pas des éloges, à l’instar du Wall Street Journal, Business Insider, The Economist ou ce 26 mai, Foreign Policy. Nous pourrions alors penser que les avis sont partagés sur ce livre et en rester là. Toutefois, certaines plateformes où Goodman est intervenu en vidéo nous en disent plus : Carnegie Council for Ethics in International Affairs 1, Institute for New Economic Thinking 2, Democracy Now! 3 Ces éléments ainsi que les personnalités omises de Davos Man font paraître ce livre, par ailleurs excellent et riches en informations à de nombreuses reprises, comme un exercice de démolition contrôlée. Un peu comme si la haine que suscite Davos avec Klaus Schwab, intellectuellement lourdaud et limité, nécessitait une soupape de sécurité supplémentaire. La quantité massive d’informations qui circulent sur le Great Reset et les Young Global Leaders, les activités néfastes de Bill Gates comme d’Albert Bourla, viennent s’y ajouter.

Le déclin de Davos ?

Peut-être Davos Man constitue-t-il l’un des signaux du déclin de Davos. Des observateurs ont noté que cette édition 2022 comptait environ 30% de personnes en moins (2 200 contre 3 000 auparavant). Plusieurs facteurs peuvent jouer : le non-alignement de tous les pays sur l’Occident dans les sanctions contre la Russie, le refus d’accompagner Klaus Schwab et son éminence grise Yuval Noah Harari dans leur fanatisme, la crainte d’être identifié et fiché dans une révolte populaire violente à venir, la non-adhésion au Great Reset, etc. 4.

Mais le moment le plus remarquable fut lorsque le va-t’en-guerre Henry Kissinger, responsable de nombreux coups d’État sanglants et désormais presque centenaire, s’est exprimé. Mentor de Klaus Schwab et interrogé par ce dernier, Kissinger a déclaré que l’Occident devait cesser de provoquer la Russie, avertissant de conséquences désastreuses pour l’Europe : la Russie a joué un rôle essential en Europe depuis 400 ans, a été une garantie d’équilibre dans les moments critiques, et le comportement actuel des dirigeants européens finira par générer une alliance permanente de la Russie avec la Chine. Soit un camouflet pour Schwab, qui au lieu de rebondir demanda à l’un de ses amis dans l’assistance de poser une question à Kissinger.

En attendant, Davos Man reste dans son solipsisme, ce dont les sessions que nous avons pu suivre ont rendu compte. Schwab a annoncé que le Forum Davos crée un « musée des crimes de guerre russes » mais aussi que « l’avenir est construit par nous ». Volodymyr Zelensky est intervenu en mettant le paquet : demande de sanctions totales contre la Russie, d’embargo, demande d’armes, de désinvestissement des entreprises. Jens Stoltenberg, secrétaire-général de l’OTAN, a attisé le feu en confirmant son souhait de répondre aux demandes d’intégration de la Finlande et de la Suède une fois la Turquie convaincue. Mark Rutte, Premier ministre des Pays-Bas et participant au Bilderberg de 2019, souhaite se débarrasser de la règle de l’unanimité pour les sanctions ou les questions des « droits humains ».

Ursula von der Leyen a annoncé l’accélération de la transition énergétique, facilitée par la guerre en Ukraine. Albert Bourla noue un partenariat avec Bill Gates et d’autres pour diffuser ses vaccins à prix coûtant dans les pays pauvres, avec des experts de chez Pfizer (programme Global Health Fellows) pour appuyer les gouvernements et les ONG. J. Michael Evans, PDG d’Alibaba, s’est vanté du développement d’un pisteur d’empreinte carbone individuelle qui peut surveiller ce que nous achetons, mangeons, et où comment nous voyageons. La commissaire à l’e-sécurité australienne, Julie Inman Grant, a demandé que la liberté d’expression soit « recalibrée ». Enfin, la volonté de mainmise sur les ressources océaniques et leur financiarisation sur les marchés obligataires bleus se poursuit avec les questions de la « nourriture bleue » et de la « libération du carbone bleu ».

En somme, la fuite en avant et l’hubris de Davos continue. Mais si notre grille de lecture du Davos Man de Goodman s’avère correcte, cette hubris ne fait plus consensus et finira par causer leur perte, comme d’autres avant eux.

1 – Un puissant think tank qui a été fondé en 1914 par le baron voleur Andrew Carnegie.

2 – Cofondé par George Soros, sur lequel Peter S. Goodman est bien silencieux, l’abordant seulement pour le qualifier de « défenseur de la démocratie » (p.178).

3 – Financée notamment par George Soros et son Open Society Foundations.

4 – La délégation chinoise n’a, par exemple dépêché que Xie Zenhua, envoyé spécial pour le changement climatique en plus d’être ministre de l’Écologie et de l’Environnement chinois. Dans la table ronde « Safeguarding Our Planet and People », face à son homologue américain John Kerry tentant de lui forcer gentiment la main, Zenhua a diplomatiquement fait comprendre que la Chine défendrait ses intérêts sur la question de la transition énergétique. La Russie est absente. L’Afrique, presque inexistante.

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